Tempête du 17 décembre 2004 sur le nord de la France |
Introduction:
Une forte tempête a touché le nord de la France durant la journée du vendredi 17 décembre 2004, provoquant de nombreux dégâts et faisant 6 victimes. Cette tempête a eu pour particularité de donner de fortes rafales dans les terres, quasiment aussi puissantes que sur les côtes. En effet pendant son déplacement, la dépression s'est renforcée sur les terres jusqu'à la région de Cambrai pour ensuite commencer à faiblir en arrivant sur les Ardennes. C'est au sud et au sud-ouest du centre dépressionnaire qu'ont été observé les plus fortes rafales. Le maximum de vent relevé sur la côte a été 155 km/h à La Hève (près du Havre) et dans les terres 140 km/h à Laon (Aisne). Ce dossier concerne une zone comprenant le nord Bretagne, la Normandie, le Nord Pas de Calais, la Picardie, l'Île de France et la Champagne Ardennes. Les heures indiquées TU sont en temps universel, ajouter 1h pour avoir l'heure légale d'hiver.
1) Retour sur la prévision:
Cette tempête faisait suite à une longue période anticyclonique, calme et froide en plaine qui avait duré plus de 2 semaines. La dépression a été plutôt bien prévue par les modèles. Déjà 9 jours auparavant les modèles laissaient penser que le flux d'ouest aller s'accélérer, j'écrivais alors le 8 décembre à 19h10 sur le forum d'Infoclimat:
[...] Donc je vois sur GFS (*) à partir du 14 (à 500hpa) ce que
j'appelle un "renforcement de dipôles", à savoir une opposition très forte entre
anticyclone centré au milieu de l'Atlantique nord à la latitude de Gibraltar en
gros et le second dipôle étant le vortex polaire qui se "concentre" vers le
pole, très creux et vaste.
Cela peut laisser présager une circulation rapide entre les 2 [...]
GFS est un modèle américain de prévisions. J'avais alors écrit une erreur; il s'agissait bien sûr d'un seul et même dipôle composé de l'anticyclone et de la dépression. Par la suite le samedi 11 à 13h32 j'écrivais:
[...] La tendance au retour du flux d'ouest est toujours là. Cependant en France les pressions pourraient rester encore un peu élevées avec des débordements de l'anti des Açores. Le temps aurait + de chances d'être perturbé au nord et NE qu'au sud et SO. Un risque de coup de vent sera possible sur les régions du nord. [...]
Et le soir avec les nouvelles mises à jour des modèles j'écrivais à 20h05:
[...] Les modèles de ce samedi soir sont pour
certains franchement pour le retour des perturbations sur la France, au moins
les 2/3 du pays. Je parlais de coup de vent possible, ça en prend le chemin et
certains modèles voient même la possibilité de tempête.
Pour la neige en montagne on commence enfin à voir des tendances optimistes, et
ce juste avant les vacances! [...]
La tendance à long terme a donc été bien vue, par la suite les modèles ont hésité entre dimanche et mercredi entre une simple perturbation et un coup de vent. Ce n'est que le jeudi matin soit 24h avant que l'on était sûr que la tempête aurait lieu. Les modèles sont mis à jour 4 fois par jour (on parle de "run") et à chaque run à partir du jeudi matin la prévision de vent était revue à la hausse. Ce genre de situation mérite d'être surveillé d'autant plus que certains paramètres étaient favorables à une forte tempête.
Petit rappel: pour que le vent souffle fort il ne faut pas nécessairement une pression atmosphérique très basse, c'est en fait le gradient de pression qui est important. C'est à dire la différence de pression entre 2 points donnés. Par exemple si l'on a 970 hPa à Lille et 975 hPa à Paris le vent entre les 2 villes sera plutôt faible. En revanche si l'on a 980 hPa à Lille et 1000 hPa à Paris alors le vent sera plus fort que dans le 1er cas. Une isobare est une ligne qui relie les points où la pression est la même, donc plus les isobares sont resserrées et plus le vent est fort. La pression moyenne au niveau de la mer est de 1013.25 hPa mais on l'arrondie à 1015 hPa.
Pour illustrer l'hésitation voici 2 cartes de prévision du modèles américain GFS (source: weatheronline.co.uk):
Carte du run du mardi 14 à 00h TU pour le vendredi 17 à 12h TU; les lignes correspondent aux isobares:
On voit un resserrement des isobares vers la Bretagne, signe de l'amorce possible d'un creusement dépressionnaire.
Carte du run du mercredi 15 à 00h TU pour le vendredi 17 à 12h TU:
24h plus tard le resserrement est moins net, la prévision de détail reste incertaine et il faut attendre les prochaines mises à jour.
2) Formation de la tempête:
Cadre général avec la situation synoptique; carte d'analyse du 17 à 12h TU:
Sur cette carte sont représentées les isobares (lignes blanches) et le géopotentiel (champ de pression) à 500 hPa (couleurs). Pour simplifier, les couleurs violet / bleu correspondent à des dépressions d'altitude, les couleurs rouge / orange à des anticyclones d'altitude. Pour plus de détails sur le géopotentiel consultez l'introduction de mon dossier sur l'évolution des hauteurs de géopotentiel dans le monde. Sur cette carte on a donc un anticyclone des Açores puissant centré en plein sur les Açores à l'ouest du Portugal et un vaste système dépressionnaire entre le Groenland et la Baltique. Entre les 2 circule un flux d'ouest rapide.
La dépression à l'origine de cette tempête s'est formée au large de la côte nord-est des USA dans la journée du mercredi 15 et s'est renforcée en traversant l'Atlantique.
Voici une carte d'analyse au niveau de la mer le 15 à 18h TU; la dépression est repérée par un D rouge: (source: wetterzentrale.de)
Carte d'analyse 24h plus tard, le 16 à 18h TU:
La dépression se trouve au centre de l'Atlantique nord à 1004 hPa. Le gradient de pression dans sa partie sud s'est renforcé. On remarque que cette dépression est entraînée par une dépression dite "mère" située entre l'Islande et la Norvège à 964 hPa.
Le 17 à 12h TU la dépression est à son maximum d'intensité et touche le nord de la France, les isobares sont très resserrées:
A 18h TU elle s'évacue vers l'Allemagne en se comblant, le gradient de pression se relâche: